Gwinklañ: thème de la personne âgée
Il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec les différents chants recueillis en Bretagne faisant mention d’un vieil homme aveugle (an den kozh dall) ou du vieil homme assis sur le Menez-Bre (hag an den kozh a lavare, war e goazez, war Menez-Bre), où l’on retrouve, au détour des vers, des prophéties attribuées à Gwinklañ. Certaines brides pourraient même remonter à l’installation des Bretons dans la péninsule. On y voit un vieil homme donner des conseils d’installation et d’agriculture – très écologiques – à un plus jeune : la première chose à faire, ce sont des talus, car, sans les talus, il n’y aurait bientôt plus rien…
Le Menez-Bre, qui domine toute la pénéplaine trégoroise, est lui-même désigné par ses habitants comme tad-kozh ar vro (le vieil ancêtre du pays). Sa masse sert d’ailleurs pour les prévisions météorologiques. Selon qu’on a de la peine à le deviner ou qu’on le voit nettement ; selon qu’il semble être près ou bien éloigné ; tout cela est d’un grand secours pour les laboureurs. En langue bretonne, c’est d’ailleurs le même mot (diougan) qui sert pour les prévisions météorologiques et les prévisions prophétiques.
Unautre personnage caractérisé par son grand âge hante les pentes du Menez-Bre, il s’agit de Tadig Kozh (vieux petit père). Même si la légende le fait vivre à une époque plus proche de la nôtre, il possède certaines des attributions de Gwinklañ. Comme lui il a les cheveux longs et blancs. Comme lui il ne meurt jamais vraiment, il est mort dix fois, il est revenu parmi nous dix fois. Le Gwenc’hlan du Barzhaz-Breizh indiquait qu’il fallait vivre trois fois avant de mourir pour de bon. Tadig Kozh possède le don de transformation, il peut paraître tour à tour vieux ou jeune, ce qui le rapproche de Merlin. Si Gwinklañ est un barde, voire un druide, Tadig Kozh est un prêtre, mais il est surtout connu comme exorciste. Il excelle dans l’art de célébrer l’oferenn drantel, la messe trentaine. Cette messe avait ceci de particulier qu’on devait la réciter à l’envers, à minuit, dans la chapelle du Menez-Bre. Les diables, appelés un par un par leur nom, devaient se présenter devant l’officiant et libérer l’âme du malheureux pour lequel cette messe avait été commandée.